21.10.06

Le colloque singulier pris au piège de la Sécurité sociale obligatoire (suite)

Voici les principaux points de la conférence de Georges Lane.

Le colloque singulier (relation médecin - patient) est un échange de services contractuel, reposant sur 3 libertés :
  • liberté d'honoraires (pas de tarif imposé)
  • liberté de choix du médecin
  • liberté d'ordonnance et de soins
Aujourd'hui, ces libertés ont été largement entamées par la sécurité sociale :
- liberté d'honoraires : a disparu, sauf pour les médecins non conventionnés (honoraires libres, mais remboursés au tarif "d'autorité", c'est à dire très mal). Les tarifs sont fixés par une convention entre l'Etat, les caisses de SS et les syndicats médicaux : médecins et patients sont donc exclus, au profit du marché politique.
- liberté de choix du médecin : la réforme de 2004 impose le "médecin traitant" par lequel le patient doit passer sous peine d'être moins bien remboursé
- liberté d'ordonnance et de soins : de plus en plus limitée.

La situation en 1930

Il existe des "assurances sociales" privées pour les risques maladie + vieillesse. Elles sont obligatoires pour certains employés : ceux dont le revenu est inférieur à un certain plafond (au-delà de ce plafond, la personne est libre de souscrire ou non une assurance sociale).

Les années 30 sont celles de la crise, de l'inflation, des retraites laminées.

En 1941, le régime de Pétain vole les provisions des assurances sociales vieillesse pour les donner aux "vieux travailleurs" : c'est l'origine des retraites par répartition.

Les ordonnances de 1945

Les ordonnances d'octobre 1945 créent une sécurité sociale qui a l'ambition de couvrir la maladie, les accidents du travail, la vieillesse et la famille (têtes de chapitre agrégées, il n'y a pas de branche). Elle concerne les employés de l'industrie et du commerce : ce sera finalement un "régime général", et non un régime universel (par exemple la mutualité sociale agricole existait auparavant).

La justification des ordonnances est d'abord idéologique, les collectivistes parlent des "exclus des soins", de l'"échec du marché", des "abus du capitalisme" : l'assurance est réprouvée, car "source de profits" ; le patient lui-même est montré du doigt : "si on les laisse libres, ils ne vont pas s'assurer". Pour ce qui est des "exclus des soins", Georges Lane rappelle un fait prouvé, à savoir que jamais avant l'invention de la SS un médecin a refusé des soins à un malade sous prétexte que celui-ci ne pouvait pas payer (ce serait d'ailleurs contrevenir au serment d'Hippocrate : "je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera").

La justification est ensuite économique : on prétend promouvoir le développement et maintenir le plein emploi (il n'est pas question alors d'assurance chômage). Les dérives des dépenses (notamment maladie) apparaitront très vite en réalité, puisque dès 1952 la Cour des Comptes s'en inquiète.

La situation en 1946

La SS de 1946 instaure une obligation de cotiser pour tous. Un monopole réglementaire est construit. Il ne s'agit pas d'une assurance, car conformément à une certaine idéologie communiste, le risque est volontairement ignoré, ce qui rend sa mutualisation impossible. D'où les cotisations calculées de façon totalement arbitraire : 12% du salaire à l'époque (6% employeur + 6% salarié) pour l'ensemble assurance maladie + accidents du travail + vieillesse (à comparer avec les 21,4% d'aujourd'hui pour la seule assurance maladie !). Les cotisations cessent d'être proportionnelles au-dessus d'un certain plafond de revenus (2240 F de l'époque, ce qui équivaudrait à 139000 F annuels de 1996). Les honoraires médicaux restent libres et sont remboursés à 80%.

Georges Lane souligne l'illégalité de la sécurité sociale, les ordonnances de 1945 étant de l'ordre du non-droit et du coup d'état : en effet le projet de Constitution de la IVe République a été rejeté par référendum en 1946, et une nouvelle version de la Constitution n'a été adoptée qu'en octobre 1946, après quoi des lois ont été votées pour appliquer les ordonnances de 1945 (jamais approuvées par de Gaulle, malgré la légende qui court à ce sujet, de Gaulle ayant quitté le pouvoir début 1946). C'est une sécurité sociale très différente de celle conçue en 1945 qui naît alors. Des caisses de sécurité sociale sont alors constituées, indépendantes de l'Etat, avec une autonomie de gestion et des circuits de recouvrements des cotisations plus ou moins bien délimités.

Dès 1952, un rapport secret de la Cour des Comptes s'inquiète de la dérive des dépenses, de l'absence de clarté des comptes. En 1952, Antoine Pinay prépare une réforme, mais elle n'est pas appliquée par le gouvernement suivant. Cette décennie voit le début de la gabegie, et le terme de "30 glorieuses" pour évoquer cette époque est bien usurpé.

A suivre.

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